Question de Mike H., reçue le 25 mai dernier : « Chaque fois que je passe en tête du classement, je me fais détrôner la main d’après. Comment défendre mon « leadership » en cours de partie ? »
Contrairement à ce qu’un observateur extérieur pourrait penser, si avoir de la chance suffit pour passer chip leader au cours d’un tournoi de BJ, le rester requiert beaucoup de technique(s). Pour le dire en termes plus crus, espérer avoir de bonnes cartes et/ou se plaindre de n’avoir pas eu de 21 de toute la partie tout en misant au pif, c’est une attitude de LOSER !
Cela étant posé, si je parle de techniques au pluriel, c’est parce que mes mises de défense de ma citadelle durement conquise vont dépendre du degré d’avancement de la partie, comme je l’explique aussi dans mon petit guide du joueur.
Considérons un tournoi (ou une manche de tournoi) devant se jouer en un nombre de mains X. Dès la deuxième main, je constate que je suis en tête de classement, soit parce que j’ai fait un move qui a été payé, soit parce que j’ai misé le contraire du reste de la table et que la banque a « rincé » tout le monde, soit parce tous mes adversaires ont mal joué leur main et ont sauté.
Jusqu’environ la moitié du tour(noi), soit en gros jusqu’à la main [X/2], en tant que leader (ou BR1 dans le jargon, pour bankroll one), je me contente de miser :
– mon avance moins un jeton si je dois parler avant le(s) poursuivant(s) que je considère comme dangereux ;
– le nécessaire pour rester en tête si je devais perdre cette mise et mes poursuivants les plus menaçants gagner la leur, lorsque je dois miser après eux (antiswingbet) ;
À ce stade, il n’est pas vraiment crucial de rester leader à tout prix, surtout si l’on est comme moi adepte de la discrétion. De sorte que si l’un ou l’autre de mes poursuivants (trailers) devait miser plus, voire bien plus que le déficit entre sa bankroll et la mienne, je ne me sens pas forcément tenu de m’aligner sur de telles mises d’attaque. Tout au plus miserais-je de quoi repasser juste devant (en doublant ma mise si nécessaire) si la banque devait tous nous payer. C’est ce qu’on appelle un coverbet.
Se pose alors la question de savoir à partir de combien d’attaquants cela vaut la peine de prendre des contre-mesures en tant que chip leader. C’est là une question très subjective, tant votre degré d’aversion au risque et le niveau de vos assaillants peuvent différer des miens. Pour ma part, je préfère attendre entre la main [X/2] et la main [X-5] pour en savoir davantage sur les scores et les adversaires en présence. Une chose est sûre : à partir de 4 joueurs misant plus que le déficit à combler, je ne reste plus les bras croisés, et je commence à pratiquer un coverbetting bien sauvage ! 🙂
Plus tard dans le tour(noi), jusqu’en gros avant les 5 dernières mains (la dernière ligne droite), si je suis de nouveau premier à devoir parler, je me contente de miser mon avance sur BR2, moins un jeton, ou un demi-minbet. La banque ayant un avantage structurel de départ sur les joueurs, il y a toujours plus de chances qu’elle batte toute la table (moi compris) que l’inverse. Taking the low en tant que BR1, c’est-à-dire rester celui qui a le plus gros tapis même après une défaite générale de la table, est donc ici une bonne stratégie de défense de son lead.
Maintenant, si je dispose de plus d’informations sur les profils et les mises de mes poursuivants et que je constate qu’ils n’attaquent pas vraiment (= misent moins que l’écart entre nos tapis respectifs), je peux tout à fait me contenter d’aligner ma mise sur les leurs, voire de miser la même somme (matchbetting), a fortiori si c’est une petite somme. Dans ce cas, vos adversaires font littéralement votre boulot, vous pouvez donc les remercier intérieurement !
Là où la défense de son statut de leader devient cruciale, c’est lorsque l’on entame les quatre ou cinq dernières mains, là où les mises s’emballent et où les joueurs même les plus timorés deviennent agressifs, sans même parler des pouffiasses xénophobes qui vous accusent ouvertement de tricherie depuis la septième main. En plus de pratiquer un coverbetting systématique, je tente dès que possible (par exemple lorsque le bouton de parole a passé mon box et que je suis dernier à miser) d’augmenter mon avance, pour entamer la dernière main avec au moins un demi-maxbet de plus que (le futur ou l’actuel) BR2, situation qui est habituellement considérée comme idéale dans le milieu des joueurs de TBJ expérimentés. Voyez-vous pourquoi, mon cher Mike ? ^^
Ce qui m’amène à vous soumettre un petit exercice : dernière main, vous êtes BR1 avec 6 000. Mise minimum 50, par multiples de 50, mise max 2 000. BR2 a 4950. Doubler sur n’importe quelle main et faire « Surrender » sont autorisés. Seul hic, vous devez miser en premier. Combien misez-vous ?
À vos commentaires !
Tournament vôtre,
KF
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Je dirais Max-bet (mais ca semble trop facile). Voici mon raisonnement :
Au début, j’ai pensé à 1500 ce qui neutraliserait un max-bet adverse. De plus, même en cas de double, si je double également, je resterait devant de 50.
Mais il y a une faille, si l’opposant fait BJ, il se retrouve à 7950. Du coup, ma main à 1500 serait insuffisante même en cas de win et me forcerait à doubler là où l’adversaire profiterait de son BJ sans risque.
Enfin, si je max-bet et que mon adversaire fait min-bet, j’ai encore l’opportunité de surrender pour rester devant de 50.
Il y a malgré tout plusieurs brèches où s’engouffrer, mais mathématiquement, cela me semble être l’approche la plus “défensive” possible.
La meilleure défense, c’est l’attaque 🙂
Haha, pas mal raisonné, my good fellow !
Je laisse nos lecteurs se gratter encore un peu la tête, et je dirai ce que je miserais en pareille situation dans quelques jours, genre vendredi 21…^^
Bis(es) dann,
Quelle est la règle en cas d’égalité après la dernière main? Parce qu’en fait, dans le cas où le gagnant est celui qui avait le plus de points avant la main, il est même plus intéressant de miser 1950 plutôt que 2000 pour couvrir un “min-bet joué pour la position mais transformé en Jack” qui me ferait être dépassé de 25 si je devais surrender et me forcerait du coup à gagner/push ma main. A priori, 1950 plutôt que 2000 couvre les mêmes scénarios + ce min-bet Jack (si ce que je crois en terme d’égalité est correct, si ce n’est pas le cas, oubliez ce message)
En fait, c’est l’inverse : en cas d’égalité parfaite à l’issue de la dernière main, on regarde qui avait le MOINS de jetons à l’entame de celle-ci… Mais le plus souvent, on fait rejouer de vulgaires mains supplémentaires de tie-break…
Ok merci, bon à savoir. Dans ce cas je garde ma première réponse.
1000 jetons en suivant tes conseils….
2000 ,Soit je le force à jouer max,soit il joue minbet pour conserver la 2ieme.(une possibilité )
Après, tout dépend de ce que la banque ,lui et moi ont comme cartes.
Toutes les solutions sont envisageables : surrender ,tirer ou doubler.
Bien sur….1000 jetons signifie que s’il met 2000 et vous gagnez tous les 2, on reste en tete
Mais avec 1000, vous ne vous mettez pas à l’abris d’un double chanceux… Oui, je l’ai toujours dans la gorge le double qui passe (14 devient 17, banque qui saute) de Jean à la dernière main du Eastern Black Jack 😀
Ah, tu t’en souviens, toi aussi ? ^^
Bon, j’attends la réponse de Mike, et j’arrête de vous laisser mariner dans votre jus…
A première vu 1000 peux être raisonnable mais j’irai sur 2000 également.
Même en tant que leader et premier de parole, tu veux dire ?
Tout cela c’est tres bien mais la reussite souvent surpasse les meilleurs calculs…
Ah, mais justement ! Là, nous ne parlons que des mises ! Il y a encore toute une “seconde couche” à passer (le jeu de ta main) après ces calculs prévisionnels, et qui fera l’objet d’un article (ou d’une série d’articles) futurs ! Cela dit, celui ou celle qui maîtrise les deux met souvent cumulativement les meilleures chances de son côté, même face à des adversaires qui “chattent”… Je suis bien conscient que les situations de verrouillage (lock : tout est déjà joué, tu as déjà gagné) sont rares, presque autant que les cas de figure où tu es favori à 95 vs. 5 %, et qu’il peut arriver que le favori à 95+ % se fasse coiffer au poteau en dernière main. Mais que serait la vie sans une part d’incertitude ? ^^ Et puis : le long terme, toujours le long terme…
Perso, je suis ok avec le raisonnement de Jérémie mais pas en ce qui concerne le risque de Black Jack (on pourra toujours doubler le cas échéant). Sachant qu’il y a toujours d’autres poursuivants en plus, j’aurais certainement mis 1500 (voir peut-être même 1000 en fonction des autres participants) et pas 2000… Il n’y a pas que le premier qui est payé en tournoi…
Face à la demande générale reçue tout à l’heure à Namur à l’occasion du tournoi de juin, voici donc les DEUX réponses, la “mathématiquement optimale” et l’optimale contre des humains… Eh oui, le facteur humain est bel et bien ce qui vient semer le souk dans nos beaux calculs prévisionnels de dernières mains… ^^
1) Mathématiquement, 1000 est la meilleure mise “off the top”, toutes choses égales par ailleurs. En misant un “halfmaxbet”, vous prenez automatiquement le 1st high ET le 1st low. (La banque vous bat tous les deux ? BR1 gagne. La banque vous paye tous les deux, même un maxbet à BR2 ? BR1 gagne encore.) D’après Wong, BR1 sort gagnant dans quasiment 89 % des cas. Et encore, à supposer que BR2 ne soit ni trop bête, ni trop timoré ! Sinon, c’est la victoire quasi-assurée, sauf en cas de half-swing (BR1 fait égalité, BR2 est payé).
BR2 fait black-jack sur maxbet ? BR1 peut encore doubler ! etc. etc.
2) CELA DIT,si BR1 a détecté en la personne de BR2 ou d’un autre poursuivant potentiellement menaçant un joueur agressif et/ou novice, mieux vaut ne plus se la jouer optimum, faute de quoi BR2 risque de contre-exploiter cet avantage. Dans ce cas, mettre le max, comme plusieurs d’entre vous l’ont pressenti, est encore la moins mauvaise solution.
BR2 est parti pour faire ‘push’ (égalité) avec ses cartes ? BR1 peut surrender.
BR2 va doubler à maxbet et se faire payer ? BR1 peut encore riposter par un doublé.
Bref, quel que soit le profil de votre poursuivant, être BR1 avec au moins un demi-maxbet d’avance à l’entame de la dernière main est THE place to want ^^
à bientôt, pour toujours plus de PUISSANCE ! On se revoit en table finale le 17 août ? ^^
j’aurai mis 1500 : trop vu de tout pour le tout au dernier coup (doublé à 17, par exemple) que pour mettre 1000
en cas de BJ de BR2, effectivement je dois doublé…aussi pour le/la faire doublé…ce qui arrive
et puis, max bet…avec régulièrement un retour fracassant de BR3 ou BR4, je trouve que c’est un peu trop
c’est une réponse adaptée au public côtoyer, non à un public “pur pro”…
Nice try, buddy !
Mais comme le pointait déjà Jérémie plus haut, si 1 500 n’est pas mauvais en soi, cette mise comporte beaucoup-beaucoup de failles / risques / inconvénients etc. J’en resterais donc à soit 1 000, soit le max, ici…
Quant au public “pur pro”, gare à ne pas confondre “habitué” et “pro”… Pour avoir étudié le jeu de gens comme K. Smith ou Dave Stann aux WSOBJ, je peux t’assurer que même toi et moi en collusion ferions pâle figure face à eux… mais je digresse ^^
quand je parle de “pur pro” , je veux dire, total maîtrise; alors qu’il peut arriver que, en cas de BJ de BR2, si BR1 double, BR2, qui devrait en rester là, refuse le BJ et double aussi.
et bon, mon raisonnement tiend compte aussi de BR3 & 4…que l’on ne voit souvent pas (re)venir, et qui l’emporte
mais en soi, je suis d’accord 🙂
Effectivement, et comme Martin le mentionnait aussi, les “underdogs” (BR3-4-X) ne sont presque jamais à négliger, et échouer face à BR2 en TF peut être frustrant, mais on peut se considérer comme heureux quand même…