Ou plutôt non : procédons par la négative, et passons en revue les formats et critères de tournoi défavorables et peu souhaitables pour le joueur qui souhaite gagner grâce à son talent plutôt que grâce à une chance aveugle.
Format indésirable n° 1) les tournois de type ‘accumulatif’ ;
Dans ce genre de tournois, seuls se qualifient pour la phase finale les joueurs ayant la plus grosse bankroll au terme d’un nombre de mains , voire de minutes (!) prédéfini. On joue donc contre l’ensemble des joueurs de la salle, parfois répartis sur plus d’une vingtaine de tables, comme ça, à l’aveugle, ou presque (certains casinos dépêchant des hôte(sse)s pour relever régulièrement les totaux et/ou les afficher sur un tableau ou un grand écran plat). Pour ce genre de format, qui se rapproche beaucoup d’un tournoi de machines à sous (ne riez pas, il en existe même des championnats nationaux en Europe), la stratégie de base de mise est très simple, et a été devisée il y a des années déjà par Stanford Wong et Kenneth Smith : « Maxbets all the way ! Full speed ahead ! »
Bref, aucun intérêt. Pour les curieux désireux de savoir la formule mathématique de calcul de la Bankroll optimale pour qualification voire accession au podium voire victoire et de savoir à partir de quand revenir à des minbets (mises minimales), me contacter [ICI].
Format indésirable n°2) les tournois où les tapis ne sont pas renouvelés à chaque tour ; à Bankroll unique.
Bien que plus vicieuse, cette formule est guère plus intéressante que la précédente, et trahit bien souvent l’amateurisme du comité organisateur. Ici, le joueur sera juste invité à se la jouer plus conservateur pour survivre x tours, en espérant que la chance daigne lui pincer la fesse gauche pour tenir jusqu’en TF (table finale). Bof, bof. Format encore assez répandu en Amérique du Sud, apparemment.
Format indésirable n°3) les tournois ‘no-limit’ ;
À force de vouloir se calquer sur le poker pour espérer lui ramasser quelques miettes de son succès (succès tout relatif, à présent que la vague est passée : le nombre estimé de joueurs assidus de poker a été divisé par 10 au Benelux en l’espace de cinq années (2010 – 2015) !), on finit par faire n’importe quoi. Voilà bien le genre de tournois où encore une fois, seule la chance jouera un rôle notable, à l’encontre de toute réflexion stratégique, puisqu’il suffira de faire tapis sur tapis pour se refaire. Rien n’y est donc jamais acquis, n’importe quelle racaille ignare à casquette ou gros poivrot peut donc vous battre x fois de suite. Beauf, beauf. Petite consolation, ce format est à l’instar de son inspiration également en nette perte de vitesse.
Format indésirable n°4) les tournois à ordre de parole traditionnel, fixe ;
Si certains casinos ont bien compris qu’il y avait un ordre de parole à faire tourner par l’entremise d’un bouton pour ce qui est des mises, histoire de ne pas avantager trop ouvertement tel ou tel joueur placé au bon siège, ces mêmes casinos ne poussent pas plus loin la réflexion, ou ne souhaitent pas bousculer davantage les habitudes pluri-décennales de leurs croupiers vieillissants, et commettent donc l’erreur de distribuer les cartes à partir de la première base, indépendamment du bouton. Bonjour les réclamations ! Bonjour les magouilles et les échanges de places ! Et lorsque vous vous avisez de leur faire remarquer cette aberration, la réponse fuse, invariable : ‘nous, on a toujours fait comme ça’ ; ‘ça fait 10 ans que c’est comme ça, et personne ne s’en est jamais plaint !’ etc. On imagine le niveau du field (l’ensemble des participants)…
Format indésirable n°5) les tournois à mains éliminatoires ;
Style Ultimate Blackjack Tour 2006 : aux mains n° 8, 16 et 25 d’un tournoi de 30 mains, celui ou celle qui a le plus petit stack est éliminé(e) du tournoi. Il y a donc des chances que vous vous soyez déplacé(e) pour jouer… 8 mains. On me rétorquera que cette contrainte est productive, en plus d’être télégénique. Le problème est que les techniques d’évitement sont nombreuses, connues, et que c’est donc encore la (pure) chance qui va faire le tri… et l’espoir qui va faire vivre. Sans compter qu’il y a belle lurette que les tournois de Blackjack ne sont plus télévisés. (Dernier en date à ma connaissance : l’European Blackjack Tour de décembre 2007 à Monte Carlo). Bof, bof.
Format indésirable n°6) Les tournois en mode ‘one-advance’, ou ‘one-winner’ ou ‘top heavy’
Il s’agit des tournois ‘classiques’ respectant le principe du table par table, tour après tour, mais où seul(s) le vainqueur final, ou les trois premiers au classement général (sur parfois plus de 180 joueurs !) sont ITM. Ou alors, seul le meilleur de chaque table avance au tour suivant, avec souvent nécessité de se qualifier ainsi jusqu’à 5 fois de suite pour arriver en TF ! La boucherie, en somme… À conseiller aux marathoniens, aux masos, ou pour les tournois très très bien dotés, sur invitation, ou alors caritatifs…
Bien sûr, il existe encore malheureusement une foultitude de tournois où les joueurs ne sont pas tenus de garder leurs BR visibles, où il n’y a pas de décomptes intermédiaires de vérification des totaux, où les options de jeu sont ridiculement étriquées (DD sur 9-10-11, no split, pas d’abandon etc.), etc., mais cela tient moins au format qu’à l’incompétence des organisateurs…
Interrogé sur les meilleures stratégies et tactiques à employer en tournois de Blackjack, la première recommandation d’Anthony Curtis, très grand joueur de Blackjack et pionnier du Blackjack de tournoi, était de dire déjà à la fin des années 1980: « choose your tournaments wisely ! ». (« D’abord, choisir un bon tournoi ! »)
Reste à présent à élargir l’offre en la matière sous nos latitudes…
Bonnes cartes à tou(te)s quand même !
Tournament vôtre,
Kung Fox
Article publié originellement sur le forum du site www.blackjack-square.com le 11 novembre 2015, et remanié pour les besoins de ce blog.