Monsieur G est un ancien membre de la fameuse équipe du MIT de compteurs de cartes au Blackjack dans les années 1990-2000, dont les avis font autorité dans la “forumosphère” francophone. Peu après la publication de l’article #4 sur le bon usage de la Stratégie de Base (SB) en tournoi de Blackjack, j’ai reçu l’objection argumentée suivante de sa part :
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En parcourant votre blog, je suis tombé sur un article avec lequel je ne suis pas tout à fait en accord…
– La Stratégie de base ne fait que refléter les moins pires décisions pour chaque main ‘off the top’, c’est-à-dire toutes choses égales par ailleurs, et donc indépendamment de votre mise, de celle de vos adversaires, du compte etc. Il s’agit donc d’une stratégie purement défensive. C’est pourquoi il est tout à fait justifié de s’y tenir lorsque l’on est soi-même dans une position / posture défensive, lorsque l’on ne veut pas prendre de risque excessif, lorsque l’on ne souhaite “pas perdre” sa main plutôt que la gagner. Par exemple, lorsque c’est encore le début du tournoi et que les adversaires misent petit, conservateur, pour observer les styles des uns et des autres.
La stratégie de base n’est pas le reflet des moins pires décisions et elle n’est absolument pas une stratégie défensive, elle est la manière optimale de jouer une main en y conférant l’espérance mathématique maximale. Par exemple, ce n’est pas défensif de rester avec 12 vs 6, mais tout simplement optimal puisque votre espérance est de -15% alors que si vous tirez, votre espérance chute à -17%. Ce qui est “agressif” ici est bel et rester et non tirer et ce, afin de générer la meilleure espérance possible. À la rigueur vous pouvez qualifier ainsi certaines mains qui paraissent agressives, mais qui sont purement “défensive”, c’est-à-dire que vous misez plus pour perdre moins! Un bon exemple est le partage de 88 vs 10. Si vous tirez, votre espérance sera de -54% alors que si vous partagez, vous espérance est de -48% de votre mise initiale, une économie de 6 Euros pour chaque mise de 100 Euros.
La définition que vous nous offrez de la stratégie de base pourrait faire penser à un novice que celle-ci est faite en fonction des joueurs peureux.
Monsieur G
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Ma réponse :
Content de voir que ce court article vous aura fait réagir, Mr G. ! (traduction : “Chef, je crois que j’ai ferré un brochet !”) 🙂
Je constate aussi que vous êtes finalement revenu sur votre première impression à la publication initiale de cet article il y a quelques mois :
Je reconnais que ma formulation pourrait induire un novice en erreur, l’incitant à penser en substance que “la SB, c’est pour les chochottes”;
Je suis également d’accord avec tous les arguments que vous avez avancés : OUI, la SB est en réalité une stratégie optimale !
Alors quoi, va-t-on me demander ?
Eh bien, quand je parle de “défense”, ce n’est pas sur un plan mathématique pur (optimal), mais sur le plan purement ‘tactique’ ET ‘tournoisant’. Votre argumentation est celle d’un joueur en cash game, et l’espérance dont vous parlez est celle que l’on calcule / envisage sur le long terme.
Or, n’oubliez pas : sur mon blog, vous entrez dans la “Tournament Zone”, la quatrième dimension du Blackjack ! 😎
Et en tournoi, miser optimum, c’est (quand même) le minimum ! Mais il est rare qu’un jeu optimal d’un point de vue mathématique produise une espérance de gain (qualification ou place ITM) supérieure en tournois. Entre autres raisons à cause d’une structure qui oblige à penser en ultra-court-terme. (20-30 mains d’un côté, contre plusieurs milliers de l’autre) (demandez à Berk19, 25 ans de comptage professionnel et 5 ans de tournois quasi non-stop, ce qu’il en pense !)
En tournoi, la vraie agression, c’est celle qui justement infléchit la SB, mais en fonction des facteurs, tout à fait subjectifs ceux-là, que l’on aura cru reconnaître/identifier à la table : profils psychologiques, profils de mise, réactions sous stress, comptage/non-comptage, expertise etc. Tout le contraire, donc, de ceux qui dérogent à la SB par ignorance !
Bref, c’est RESTER COLLÉ à la SB qui devient “défensif” en tournois, et c’est le fait d’en dévier À RAISON qui devient (encore plus) offensif, quitte à devoir jouer non-optimum mathématiquement en retour. C’est le grand dilemme entre “optimal strategy” et “real-life tactics” soulevés par tant de pros US des tournois de BJ. Pour faire une analogie un peu sordide : combien de ceintures noires ne se font pas défoncer en streetfight par des petites racailles vicelardes, et ignorant tout des arts martiaux ? Juste qu’en tournoi, la ceinture noire, c’est le compteur, et la racaille, c’est son voisin à la table… Et moi ? Je suis celui qui connaît les deux, et qui a les meilleures chances de prendre l’oseille, ach ach ach !
En espérant avoir explicité un peu mieux mon point de vue et ma formulation…
Tournament vôtre,
KF
(Réponse publiée originellement le 19 janvier 2018 sur le forum du site www.blackjack-square.com, et remaniée pour les besoins de ce blog)
2 Commentaires. En écrire un nouveau
Très bon article.
D’accord, je ne suis pas toujours la strategie de base , ce qui ne m’empeche pas d’en baver comme l’autre jour ou separant 2 10, contre un 4….pas vraiment la strategie de base en cash….mais j’ai la chance davoir 2 20 ce qui m’aurait donner la tete du tournoi….mes chances de perte étaient quasiment nulle…..la banque finit avec 21….en cash je n’aurais JAMAIS fait cela….juste une periode ou regulierement mes 20 se transforment en 21 de la banque