Bonjour à vous les gamblers raisonnés, les stratèges du jeton et autres brelandières,
Dans la nuit du 4 au 5 novembre 2022, je revenais du casino de Graz, deuxième ville d’Autriche, où s’était tenu le jeudi 3 le chapitre final du Blackjack Challenge 2022, et le plus richement doté. Il s’agissait également du troisième plus gros tournoi d’Europe organisé cette année, derrière le « 1000er » de Bad Homburg et la « Coupe du Monde » à Innsbruck, et du tournoi au plus haut buy-in auquel j’ai jamais participé (1 000 € de buy-in et de re-buys cumulés quand même). Je n’y étais donc pas allé pour seulement parler affaires avec l’équipe organisatrice, ni pour faire du tourisme.
Autant le dire tout de go : j’ai hésité à sous-titrer le présent article « Champions fuck up too II », mais m’attribuer pareil niveau aurait été un peu abusif vue ma performance là-bas. S’il fallait au contraire féliciter un champion en devenir, c’est bien Jérémie A., alias « Borus » sur l’appli BBJTO, qui a réussi l’exploit de finir 2ème au général en deux participations en 2022, et qui a su pour ce faire savamment mener sa barque sur cinq tours d’affilée sans devoir n’utiliser ne serait-ce qu’un seul re-buy. Mieux : sa participation au tournoi final du 3 novembre lui avait même été offerte, car celui-ci avait remporté le ticket à 500 € lors du concours dédié du 30 mai dernier sur BBJTO ! Que de progrès depuis l’été 2018, bravo à lui. Bien sûr, un tapis à maxbet payé en dernière main aide toujours ^^, mais il avait réuni ce soir-là les autres ingrédients de la recette de la réussite : patience et self-control, endurance mentale (alors qu’il revenait d’un trajet de 13 heures), jaugeage et lecture des styles en présence, betsizing raisonné, techniques de hold back, calcul express des « outcomes » aux dernières mains, utilisation d’autres joueurs comme boucliers etc. Un sans-faute, donc.
Pour ma part, et d’un point de vue purement tactique, je considère que j’ai aussi fait un (quasi) sans-faute. Juste que subir TROIS « table swings » d’affilée au 1er tour (= je suis le seul à perdre ma main quand tous les autres se font payer grassement la leur), ainsi que se faire battre par le même veinard, virtuellement éjecté du tournoi avec ses malheureux 1 000 jetons restants, mais qui se fait payer CINQ fois d’affilée en all-in au troisième tour ET qui se paye le luxe de vous dépasser grâce à un black-jack à CHACUNE des dernières mains du tournoi jusqu’aux quarts de finale inclus, aura suffi à sceller mon destin ce soir-là.
Rick Jensen, vice-champion du monde 2004, disait dans un article pour le Blackjack Insider Magazine, que même les meilleurs joueurs ont besoin d’un minimum de bonnes cartes pour vaincre. Or, je ne peux même pas me réfugier derrière l’excuse selon laquelle je n’aurais eu que des mains médiocres (pour rester poli) ! De bonnes cartes, de bonnes mains, j’en ai eues ! J’ai même eu SEPT 21 en tirant sur un 14 cette soirée-là, et au moins trois black-jacks ! Alors quoi ? C’est le même joueur turc, peut-être dans un accès de commisération, qui a tout bien résumé après le tournoi en revenant me voir : « tu peux calculer ce que tu veux et connaître toutes les techniques, tu ne peux rien contre un joueur qui a la chance pour lui. » Le corollaire de ce constat est donc qu’il ne faut jamais tout miser sur UN gros event dans sa carrière de joueur, mais bien continuer de multiplier les participations, car c’est seulement sur le long terme que l’on peut juger de la régularité et des performances d’un joueur. Et de ce point de vue, je crois que je n’ai pas à rougir : 5 tables finales en 2020, et 6 en 2021. But still : Lady Luck is a BITCH ! 😉
Donc, je parlais de « quasi » sans-faute plus haut. Je dis « quasi », car je pense n’avoir fait qu’une seule et unique erreur. Mais par cette seule et unique erreur, j’aurai commis l’exploit d’enfreindre simultanément environ une douzaine de mes recommandations, règles d’or et autres « rules of thumb » !
Parmi celles-ci, pêle-mêle :
– « Pas de minimum bet à la dernière main, surtout si tu n’es pas leader et n’as pas un « lock » »
– Prendre le reste du temps de réflexion alloué avant de miser parce que tu aurais « reconnu » le type de situation
– Prévoir le pire, ne pas faire que calculer les probas
– Il y avait « Monsieur Jean » qui parlait après moi !!! ^^
– Don’t take first low if you’re not LB1 (lowest bankroll) AND last to act !
– Se demander quel est le style des joueurs avant qui tu parles ?
Etc. etc.
La situation :
Dernière main, quarts de finale, plus que 4 joueurs en lice, les trois meilleurs (!) passent en demi-finale, dernière étape avant les places payées.
Nom Bankroll Mise
* « The lucky Turkish » 4150 All-in
Moi 4700 100
Jean B. 4600 300
« The Silent Austrian Leader » 5900 100
Voici quel a été mon raisonnement express (nous n’avions que 30 secondes de réflexion même pour les mains finales à décomptes) : « mon voisin turc va à tapis, il va se croûter car ce n’est pas possible qu’il me refasse un black-jack sur ce coup-là pour la troisième fois d’affilée ce soir, et de plus, en ne gardant aucun jeton, il m’offre le « low ». je n’ai donc qu’à garder un jeton pour lui confisquer la qualification en cas de victoire de la banque, ce qui est le plus probable à ce jeu toutes choses égales par ailleurs. Or, si je garde plus qu’un jeton, Monsieur Jean et le leader vont immanquablement me confisquer ce « first low » (= victoire si banque bat la table). Je décide donc de le lui re-confisquer en ne misant qu’un jeton, le minimum. Je mets donc 100 dans la case dédiée, sans possibilité de modification de la mise. » Monsieur Jean, comme prévu, mise 300 pour me reprendre le « high », ce qui est rationnel, mais risqué quand même, car il ne vise plus que moi ce faisant, et néglige de « couvrir le Turc » tout en menaçant le leader. Comme quoi, on se connaît trop bien, lui et moi !
Voyez-vous maintenant mon erreur, chers lecteurs et abonnées ? Elle saute aux yeux !
Si, au lieu de partir perdant et de jouer les rusés renards en prenant le low, j’avais pratiqué ce bon vieux « coverbetting » qui couvrait la quasi-totalité des possibilités de qualification même en cas de victoire de mon voisin turc au bouton, les deux Belges à la table se seraient quasi-sûrement qualifiés, car le leader était de type Timmy the Timid.
Une main gagnante de mon voisin aurait porté son score final à 8300. Pour passer à 8400 et donc avoir le high ET le low sur lui, une mise de 3 700 aurait suffi, avec en plus la possibilité de faire « double for less » en cas de pépin. Cette mise aurait obligé Jean B. à choisir, et le Leader à réagir, voire l’aurait incité à prendre un risque, puisque je l’avais catalogué comme débutant-strégiste de base-flat better ! GRRRR !
Mais peut-être voyez-vous là encore un autre vice dans ce raisonnement a postériori ? Qu’auriez-VOUS misé, à ma place ?
Pour info, voici les cartes reçues et les décisions prises ce soir-là :
* 4150 reçoit un black-jack ! ⇒ Total 10375 !
4700 A5 tire 2 re-tire (pour le sport) 9 ⇒ 17 ⇒ je reste avec une main, contre un « stiff » pour Jean B.
4600 T5 reste (42 % de chances que la banque crève avec son 5, donc 58 % de chances de perdre, contre 46 % de chances de me battre en tirant)
5900 T9 reste
Banque a 5. Et crève ! Tout le monde payé !
Une autre recommandation d’un grand joueur US de TBJ m’est venue à l’esprit ce soir-là : « ne jamais partir du principe qu’un joueur qui aura été mauvais toute la soirée va aussi faire un mauvais choix en main finale ». Cet adage issu des arts martiaux, aussi : « le grossier débutant ébranle souvent le maître trop subtil ». Dit autrement, cela m’apprendra à chercher midi à quatorze heures !
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Tournament vôtre,
KungFox, qui peut parfois être un KungAss
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[…] en rendant les joueurs un peu moins dépendants de la variance naturelle de ce jeu, variance que j’ai subie de plein fouet au Blackjack Challenge 2022 à Graz, en Autriche, […]