Article traduit de l’anglais par mes soins, et publié pour la première fois en français avec l’aimable autorisation de Kenneth R. Smith.
Version originale disponible ICI.
Lorsqu’on est leader aux points en fin de manche ou en fin de tournoi, il peut être tentant de faire une mise minimale en dernière main. La raison en est simple : en faisant cela, on oblige les autres joueurs à gagner leur main pour vous rattraper. Ce qui n’est pas un mauvais plan en soi. C’est pour cela que miser le minimum est souvent une bonne mise. Mais ce n’est presque jamais la meilleure mise, surtout dans un jeu qui se joue toutes cartes ouvertes. Alors qu’il est possible d’obtenir le même résultat en mettant sur le feutre un nombre de jetons suffisant pour vous offrir davantage d’options.
Commençons par examiner la plus simple des situations possibles, à savoir une main finale qui ne se joue plus qu’entre deux joueurs. Pour les besoins de notre exemple, on va dire que l’on est à la main finale d’un tournoi où le minimum de mise est de 5, et le maximum de 500. Vous avez 1 500, votre adversaire a 1 400, et vous êtes au bouton, et donc obligé de miser et de parler avant lui. Nombreux seront les joueurs à votre place à miser un jeton de 5, ce qui revient en substance à dire « viens me chercher si tu peux ». Et s’il fallait être honnête, je dirais que n’importe quelle mise un tant soit peu raisonnée que vous ferez dans cette situation laissera à votre adversaire les mêmes chances de « jouer la gagne » (take the high), c’est-à-dire de finir devant vous si sa (grosse) mise devait être payée.
En ne misant que 5, vous faites en sorte que la seule manière possible de vous qualifier, c’est si votre adversaire perd sa main ou fait égalité avec la banque. Vous pouvez être certain qu’il va miser suffisamment pour couvrir l’éventualité que vous soyez payé, et il va peut-être même couvrir vos éventuels doublés sans même y réfléchir. S’il mise 200, ou 500, ou en fait n’importe quoi pourvu que ce soit supérieur à 140, votre mise de 5 devient complètement insignifiante.
Maintenant, regardez ce qui se passe si au lieu de 5 vous misez 95, soit presque toute votre avance sur lui. Si votre adversaire fait maxbet (mise le maximum), vous êtes quasiment dans la même situation que tout à l’heure. Mais, parfois, il arrive que votre adversaire fasse une erreur dans cette situation, en ne misant que le juste nécessaire pour couvrir votre main payée. Exemple : il voit que vous avez mis 95, il rajoute le déficit de 100 qu’il a par rapport à vous, et en conclut donc qu’il a besoin de toucher plus que 195. S’il se contente de miser 200, vous venez alors de gagner une chance supplémentaire de le battre.
En effet, une fois que les cartes ont été distribuées, vous bénéficiez maintenant d’une option supplémentaire appréciable. Si vous doublez vos 95, vous revenez en position de « first high », celui qui, si payé, gagne même si l’autre est payé aussi. Imaginons que le croupier montre un 6, que votre adversaire a un 16 consolidé (“hard 16”, c’est-à-dire sans as, ou avec un ou des as figé(s) à un point), et que vous avez un joli 11. Puisque vous jouez avant lui, le fait de doubler votre mise l’oblige en retour à doubler sur son 16 s’il veut garder la moindre chance de gagner.
Alors que si aviez fait cette mise minimale, vous n’auriez eu aucune chance de lui forcer la main. Cette façon de jouer peut s’avérer utile même face à un adversaire plutôt doué. Imaginons maintenant que votre adversaire ait été assez intelligent pour ne pas tomber dans le piège de ne miser que 200, et décide de miser 300 à la place. Si vous parvenez à remporter trois mises sur ce coup-là, en partageant une paire et en doublant l’une des deux mains, eh bien, il n’est toujours pas tiré d’affaire. Peu probable ? Certes, mais comparé à une mise minimale, c’est un moyen pas cher payé de se donner la possibilité de choisir lorsque le besoin s’en fait sentir.
Il y a une situation où ce genre d’idées montre toute sa pertinence, et c’est lorsque votre adversaire est assuré de gagner. Imaginons qu’il a misé 300, qu’il a touché un black-jack, et qu’il est donc assuré de remporter cette main avec 450. Eh bien, si vous avez eu la chance de toucher une paire, vous n’êtes pas encore tout à fait mort ! Pour repasser devant son black-jack, vous avez besoin de gagner au moins 355, alors allez-y, partagez ! Pour gagner ces fameux 355 minimum, il va vous falloir toucher quatre fois votre mise. Comment ? Tout simplement en splittant (partageant des paires) et en doublant jusqu’à ce que vous ayez quatre fois votre mise initiale sur la table. Si vous parvenez à vous constituer deux fortes mains avec vos doublés, il va devoir considérer l’éventualité de faire double down sur son propre black-jack ! Si le tournoi ne le permet pas, c’est fini pour lui. Et même si c’est permis, le voilà dans un sacré pétrin. Autant dire que si vous êtes payé sur ce coup-là, vous lui assénez un coup dont il ne se remettra sans doute pas.
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Très bon article à retenir