Il ne se passe pas un tournoi de Blackjack (que j’organise ou auquel je joue) sans que je n’entende fuser l’objection selon laquelle le blackjack, y compris en mode tournoi, ne serait “qu’une question de chance”, que ce serait un “jeu de merde” qui récompense les bourrins qui ont décroché un black-jack à la dernière main, et/ou qui ne laisserait aucune place au talent ou au sens stratégique.
Typiquement, ce genre d’objection provient de personnes qui ont commis pratiquement toutes les erreurs tactiques et stratégiques possibles ou qui ont perdu après avoir effectué une grosse mise unique en croisant les doigts que leur voisin-e ne soit pas mieux servi-e qu’elles, quand ce ne sont pas des joueurs de cash game ou d’autres jeux qui se croyaient en terrain conquis. “Quand on ne connaît que le marteau comme outil, tous les problèmes doivent ressembler à des clous”, pour paraphraser un proverbe allemand.
Mais trève d’ironie : s’il est certain que le meilleur joueur du monde a besoin d’un minimum de mains payées pour l’emporter et que la variance, au blackjack, est bien plus grande qu’au poker, il n’en est pas moins vrai que l’observateur extérieur profane a très vite l’impression que sans “(les) bonnes cartes, c’est foutu.” Et comme j’ai aussi trop souvent entendu cette remarque de joueurs pourtant assidus entre deux manches éliminatoires, il est temps pour moi de répondre.
Si les tournois de Blackjack n’étaient qu’une question de chance, comment expliquer les performances de cette joueuse-ci, ou du joueur “Borus” sur ma plateforme BBJTO, qui ont respectivement fini DIX fois d’affilée ITM (“in the money”, c’est-à-dire dans les places payées) pour la première et multiple finaliste pour des gains à cinq chiffres rien qu’en 2022 pour le second ? Et je ne parle même pas des perfs en ligne de votre serviteur à l’époque où les sites de skill games étaient encore accessibles aux Belges (Pour info, de fin 2011 à fin 2014, j’ai remporté près de 90 % de mes tournois de Black-Jack en “heads up”, soient plus de mille (!)), et encore moins de celles en tournois “live” (6 fois finaliste en 7 participations rien que pour 2021 à Namur, par exemple)…
Il y a une différence capitale entre ceux qui “poussent du jeton” au hasard, bref qui jouent à des tournois comme ils joueraient aux machines à sous, et ceux qui ont compris que le suivi des écarts entre tapis, la connaissance des probas, le calibrage et l’échelonnement de leurs mises et la “lecture” des adversaires jouaient un rôle central pour repartir gagnant en tournoi. Le meilleur joueur de tournoi n’est pas le veinard qui touche des black-jacks plusieurs fois par table (à quoi bon s’il mise n’imp’ et/ ou s’il ne sait pas quoi faire de cet avantage, comme on l’a vu en 2023 avec un gros joueur de poker néerlandais en demi-finale du Black(jack) Friday ?), mais celui qui :
– a un objectif chiffré pour son tapis avant chaque main ;
– sait exploiter la position du bouton de parole pour attaquer ou rester dans le peloton à peu de frais ;
– sait provoquer des erreurs d’estimation chez ses poursuivants ;
– sait garder son calme, laisser les autres tilter et se sortir tout seuls comme des grands, et sait préparer les deux dernières mains, là où tout se dénoue ;
– ne fait quasiment jamais d’erreur de mise ou de jeu ;
– “performe” sur le long terme.
D’un point de vue purement statistique, un joueur stratégique et observateur a deux fois plus de chances de se qualifier à chaque table que le joueur “à l’aveugle” qui ne compte que sur le hasard. Sur une table de 7, lorsque trois joueurs passent en phase suivante, le “stratège” se qualifiera dans bien plus que 42,86 % des cas.
Variance oblige, c’est à la régularité que l’on reconnaît les meilleurs joueurs de tournoi. Le corollaire de cela est qu’il ne faut JAMAIS tout miser sur un seul tournoi pour espérer se refaire, et donc qu’il faut participer à un minimum d’events par an pour espérer réduire ladite variance à la portion congrue. Même les meilleurs joueurs du monde finissent ITM +- 25 % du temps de leur propre aveu. C’est pourquoi multiplier les occasions de participer à un tournoi de BJ en Europe est la tâche à laquelle je me suis attelé depuis maintenant plus de dix ans. Et c’est aussi pourquoi je multiplie les challenges sur BBJTO.
“Plus vous montez haut dans la hiérarchie, plus vous y rencontrez des têtes merveilleuses” (Karl Marx)
Tournament vôtre,
KF