Bonsoir à tou(te)s,
toujours pour mon anniversaire, qui peut parfois durer plus d’une semaine, j’avais décidé de suivre les péripéties ludiques des cinq lecteurs et abonnés du blog qui participaient à la troisième édition de la Coupe du monde de Blackjack au Casino Austria d’Innsbruck ces vendredi 22 et samedi 23 novembre derniers.
Cela fait quelques années à présent que le casino d’Innsbruck a su se positionner comme LE bastion des tournois de BJ « hi rollers » (= à droits d’entrée élevés) en Europe, et cette Coupe du monde y aura définitivement contribué : avec près de 200 000 € de dotation, ses 14 tables en simultané et ses huit tours à élimination directe (3 re-buys autorisés pour pouvoir continuer l’aventure) avant de parvenir en places payées, il s’agissait à ma connaissance du plus gros (en termes de gains) et du plus difficile (en termes de nombre de rondes) tournoi de Blackjack du monde pour 2019, plus fort encore qu’aux States !
Sur 98 places réservées pour l’événement, 94 seulement furent pourvues, suite à quatre défections pour cause de maladie, confirmées trop tard pour être remplacées au pied levé. 11 nationalités y étaient représentées :
42 Allemands (essentiellement Bavarois) ;
28 Autrichiens (essentiellement des habitués du Tyrol environnant) ;
10 Italiens (pour la plupart du Trentin-Haut-Adige germanophone) ;
6 Suisses ;
5 Belges ;
Faute de participants états-uniens, russes, français ou même macanais, l’appellation « Coupe du monde » semblait un peu exagérée et tenir davantage du coup marketing. Et pourtant : cet event était bel et bien ouvert aux joueurs du monde entier, de sorte qu’avec des joueurs venus également de Croatie, de Thaïlande et du Japon (sans parler du Luxembourg, du Liechtenstein, ou des Pays-bas), nous avions tout de même affaire à un véritable « open » d’envergure mondiale. Peut-être faudra-t-il encore quelques éditions pour ameuter un parterre encore plus international.
Sur l’ensemble des joueurs, environ le quart y participait pour la première fois, signe que les deux premières éditions avaient d’ores et déjà trouvé et séduit leur public. Du point de vue plus stratégique, et après un tour d’observation de l’ensemble des tablées durant le premier tour d’éliminatoires, je concluai qu’environ la moitié du « field » était constitué de gamblers (bons joueurs en cash game, mais pas forcément en tournoi) et de ploppies pousse-jetons (joueurs récréatifs que seule la chance allait rendre dangereux), contre une autre moitié de joueurs avisés, si pas expérimentés, ce qui n’était pas plus mal pour la « délégation » belge.
Contrairement aux formats auxquels étaient habitués les Belges, ce tournoi majeur-là présentait plusieurs particularités procédurales et réglementaires, qui nécessitaient une adaptation mentale rapide si l’on ne voulait pas jouer / partir avec un handicap :
– Le bouton désignait non pas le premier, mais le DERNIER de parole ;
– Des mini-écrans plats indiquaient le nombre de mains restant à jouer en mode compte-à-rebours ;
– RIEN n’était prévu pour permettre aux joueurs de noter les scores avant les trois dernières mains, ni stylos ni cartons, mais il était autorisé d’en utiliser à ces moments-là ;
– Le « Double for less » était autorisé, même si cela n’était pas clairement stipulé dans le règlement, ce qui a fait jouer les Belges pendant 5 rounds en ignorant qu’ils disposaient d’une arme aussi redoutable ;
– PAS de surrender ;
– En cas d’As à la Banque, l’assurance était proposée APRÈS le jeu des mains, telle une « revanche » dont le montant pouvait s’élever à jusqu’au double de la mise initiale ! Option à double tranchant très dangereuse pour qui n’y était pas rompu, mais dont les Belges ont su faire bon usage, la seule dame du groupe ayant même remporté une table et économisé un rebuy à 200 € grâce à elle…
Du point de vue de l’organisation, nous avions là une logistique et un personnel à la hauteur des ambitions du casino-hôte : cartes plastifiées infalsifiables pour tous les joueurs et tous les cas de figures (tours, re-buys etc.), hôtesses et personnel de service volant disponibles en permanence, croupiers indémontables, pédagogues, diplomates et multilingues, buffets succulents, salle dédiée, éclairage hyper-pro… Même pour l’organisateur de TBJ rôdé que je suis, il y avait matière à inspiration.
Les seuls petits couacs à déplorer auront été des échanges de places en douce entre certains joueurs, ainsi que des initiatives douteuses de certains croupiers (notamment celle de « zapper » le décompte des scores de l’avant-dernière main ou de passer machinalement au joueur suivant lorsqu’un joueur avait une bonne main a priori), en plus de deux-trois erreurs d’affichage etc. Difficile de « tenir les troupes » pour un tournoi à pareille envergure !
Un accident du travail en mai dernier m’ayant coûté ma participation cette année, c’était en qualité de « reporter VIP » que j’étais invité à assister à l’intégralité du tournoi, avec nuitées d’hôtel et buffet-boissons offertes à volonté. Comme quoi être un joueur/blogueur reconnu peut avoir du bon ! ^^
Je venais aussi en qualité d’interprète pour la délégation belge, au cas où, délégation belge composée des joueurs suivants :
– Aurélien H., triple champion de Belgique en titre, palmarès que je me suis bien gardé d’éventer ce week-end-là pour ne pas le désigner directement comme cible ;
– « Jeune Vouivre », meilleure joueuse belge 2018-2019, et qui a fait l’objet d’une interview sur ce même blog il y a quelques mois ;
– « Galo », vieux briscard turbulent des tournois et des tables de BJ internationaux ;
– Jean B., également vieux loup de mer du TBJ, lecteur de la première heure et habitués des tables finales ;
– Jérémie A., joueur et lecteur assidu de retour du WCC (World Casino Championship) à Malte et qui ne craignait a priori personne ces deux soirs-là ;
Bref, aucun touriste, chacun d’entre eux était tout à fait à sa place. Restait dès lors à voir comment chacun allait gérer pareil marathon. En effet, pour chaque tour / table, seuls les trois meilleurs scores passaient au tour suivant, avec possibilité de rachat trois fois au cours du week-end jusque maximum les huitièmes de finale, mais pour 8 tours d’éliminatoires. La partie s’annonçait donc éprouvante, d’autant plus que nous étions tous debouts depuis déjà 2-3 heures du matin lorsqu’ont commencé les tables du 1er tour, à 19 heures. Première leçon : pour un pareil tournoi sur deux jours, venir la veille au soir !
JOUR 1
1er tour
Mettant un peu de temps à s’accoutumer aux règles et à l’ambiance inhabituelles, tantôt déconcentrés par de petites contrariétés à la table (infractions au règlement, à dessein ou pas, comptes peu audibles et en langue étrangère), tantôt saisis par un bad run ou des bad beats d’emblée, tantôt surpris par l’ordre des scores, notés dans le sens inverse de celui des sièges, tous les Belges doivent re-buyer, sauf Jean B., qui remporte sa table grâce à un de ces coups dont il a le copyright. ^^
Jeune Vouivre (ci-après : JV) commet une seule erreur de tout le tour, mais qui lui coûte sa qualification et donc un rebuy pour le tour n°2 : elle reste sur 14 contre 4 à la banque en dernière main, alors qu’elle est BR4 (quatrième meilleur tapis provisoire) et que tout le monde a une main (> ou égale à 17) autour d’elle. Dommage !
D’autant plus frustrant qu’à ce stade, on aura eu tout le temps de mesurer le niveau généralement médiocre de la concurrence, qui n’a pas arrêté, elle, de commettre bourde sur bourde : minbet à la dernière main, fixation sur la stratégie de base alors que position déjà perdante / éliminée, indifférence vis-à-vis des scores adverses etc. etc.
2ème tour
Le principe de base du « let’em crash themselves first » tourne à plein régime en faveur des Belges : beaucoup de joueurs, souvent trois, sont déjà sortis de leur table au moment de la main finale, de sorte que cela ne se joue souvent plus que pour savoir qui des quatre derniers va sortir et ainsi devoir re-buyer à 400 €. Mais cela ne suffit pas pour Aurélien, confronté à des joueurs imprévisibles, et qui doit se fendre de son 2ème re-buy de la soirée.
3ème tour
Jeune Vouivre effectue une sorte de « revanche de Curtis » par assurance interposée en dernière main et remporte sa table en même temps que 2 autres « drôles de dames » (« BJ101 », de Thaïlande et « Jessica », d’origine néerlandaise), non sans avoir dû invoquer à deux reprises le règlement et demander plusieurs fois à certains joueurs de cesser de persister à dissimuler leurs jetons, chose étonnante encore à ce stade, malgré les menaces de disqualification.
Autant on ne change pas une équipe qui gagne, autant on ne change pas 25 ans d’habitudes de gros pontes à qui le casino passe tout… Avertissement aux écoliers et lycéens des tournois de Blackjack…
Jour 2
4ème tour
À ce stade, 21 joueurs sur 94 sont déjà sur la sellette, ayant usé de tous leurs droits de rebuy, et parmi eux Aurélien, seule une toute petite minorité n’ayant pas dû re-buyer une seule fois.
Un retardataire se voit disqualifié par le directeur de tournoi (TD), car arrivé au début de la 13ème main… Et un de moins ! ^^
Faute de concertation dans le tirage des places, Galo et Jean B. se retrouvent déjà à la même table nr 13 ! Shit !
Jouant dorénavant sans filet, Aurélien affûte et affine son jeu, jouant en stratégie de base de mise, une stratégie qui se révèle payante pendant les 10 premières mains, un joueur agressif sortant même dès après la 7ème main par sa faute (toujours ce « let’em tilt, let’em crash themselves »), mais il doit subir un véritable losing streak à partir de la main n°16, et, malgré une excellente gestion de stack, un voisin italien forcé de prendre une assurance hors de prix pour cause de « string bet » (règle n°1bis du joueur de TBJ : read the ruuuuuuuulez) et un espoir encore permis jusqu’à la toute dernière main, il finit 4ème de sa table et quitte la compétition, faute d’avoir eu sa dernière main payée…
Toute la délégation belge perd à ce tour, sauf Jérémie A., qui touche un black-jack sur all-in à 5 800 !
5ème tour
C’est au tour de « Galo » d’être sur la sellette, ayant épuisé tous ses droits de rebuy.
On remarque de plus de plus de « noteurs » à ce stade, de plus en plus de tension et de litiges aussi, signe que le tri commence à s’effectuer.
Galo mise en mode table average et en hold back, ce qui est une bonne chose, surtout en combinaison.
Parvenu à la dernière main, il commet une double erreur fatale : il prend le 1st low (= cherche à être le vainqueur de la table si tout le monde perd) alors qu’il est premier de parole ET fait DD (double down) sur sa main par mimétisme, alors que la « revanche de Curtis » n’était pas applicable ici (car hors de portée des trois premiers « highs ») ! Les effets de la fatigue… Galo, malade, n’avait dormi qu’une dizaine d’heures en 2 nuits…
Nota : Si vous trouvez que je jargonne un peu trop, n’hésitez pas à me demander des précisions dans les commentaires !
6ème tour, encore 72 joueurs
Jeune Vouivre & Jérémie A. sont à la même table n°5 ! Mais c’est une table de 6 seulement, et nous restons toujours en format « 3-advance »…
Preispool à ce stade : 186 K€, et continuant de croître ! 63 K€ pour le vainqueur !
Malheureusement, à l’antépénultième main, les 6 tapis tiennent encore tous dans un mouchoir de poche…
Bien inspirée, JV n’attend pas que circule la feuille récapitulative des scores pour gagner encore un peu plus de temps de réflexion précieux.
À l’entame de la dernière main, JV & JA font tous deux all-in. Jérémie A. swingue la banque avec 19 contre 18, et se qualifie en tant que 3ème de la table. JV a joué au mieux, irréprochable, mais sa main a crevé… Perdre les 3 dernières mains d’affilée n’aide assurément pas à se qualifier, en Coupe du Monde… Elle doit prendre son dernier re-buy.
7ème tour, plus que 50 joueurs
Jeune Vouivre est sur un siège éjectable, mais cela commence bien pour elle, avec un black-jack et deux 21, dont un table swing (= elle est la seule à gagner sa main).
Nous sommes en 8èmes de finale, au 7ème round, et il est désespérant de trouver encore des bourrins sans aucun talent à sa table à ce stade. Face à ce genre de constats, je renvoie toujours à l’article inaugural de ce blog, qui me rappelle que vu la variance à ce jeu, il n’est même pas rare d’en retrouver jusqu’en demi-finale, soit même après 9 tours, et qu’il faut donc tenir bon, ET surtout commettre le moins d’erreurs possible…
Le temps de terminer de noter ces belles pensées, et voilà que le bourrin en question saute à la 9ème main. Et toujours les mêmes erreurs qui reviennent… Face à de tels joueurs, votre plus précieux allié est la patience…
Par « commettre des erreurs », j’entends aussi « ne pas rater d’occasions », rester conservateur ne pouvant en soi vous faire remporter un tel tournoi, et malheureusement, JV, trop timide, rate deux belles opportunités de faire opposite bet en tant que dernière de parole. Leçon du jour : on ne s’aligne pas sur les leaders si l’on est soi-même simple poursuivant (trailer) ! Et lorsque ceux-ci misent petit, miser gros est très productif, beaucoup plus que d’espérer un doublé favorable ou de tenter le « swing » à chaque main !
Ma « favorite objective », Marlies H., sort au même tour suite à une bête erreur de chip counting (d’un jeton) ! Dommage, car cette année-ci, les jetons du tournoi étaient des clay composite 13 grammes bicolores aisément empilables, répartis sur deux dénominations principales seulement (100 / 1000), rien à voir donc avec les jetons nacrés glissants de cash game du Casino…
8ème tour, quarts de finale, plus que 40 joueurs
Les derniers re-buys recevables ayant été intégrés au Preispool, le montant de celui-ci est donc arrêté, et s’élève à quelque 189 910 €, dont 64 521 € pour le futur champion !
Jérémie A. & Jean B. sautent chacun de leur table à une ou deux mains d’intervalle sur un move désespéré, vers la 15ème main, Jérémie A. ayant encore un re-buy, mais dorénavant inutile… Seule consolation pour ce joueur sortant au seuil des tables à places payées : cette Coupe du monde lui aura coûté moins cher… Frustrant, non ?
Il n’y aura donc aucun Belge en demi-finales, lesquelles réunissaient trois tables de 6 joueurs, les trois troisièmes se partageant la « bulle » en 3 parts égales, soient presque 3 200 € chacun. Le moins que l’on puisse dire, c’est que, vu l’événement et pour une première participation, en mode « zombie-tâche de fond sous Windows » pour certains, les Belges n’auront pas démérité !
Pas chauvins ni rancuniers pour deux sous, Jeune Vouivre et moi-même restons pour la Table Finale, qui comptait six joueurs seulement, dont le « sorteur » de JV, le courtois docteur Alex L., qui devient notre favori par dépit.
Table Finale
Après introduction par haie d’honneur et par voie de micro des différents finalistes et après mise en place des écrans de retransmission, nous apprenons que la table finale se jouera en 24 mains.
À une exception près, à savoir le futur vice-champion Flavio C., souvent nommé par les commentateurs présents, JV & moi-même remarquons qu’aucun des finalistes ne joue consciemment, bref en gros qu’aucun ne « sait » véritablement jouer : aucun objectif dans les mises, erreurs constantes d’appréciation des tapis etc… Y compris notre favori, qui joue beaucoup trop timidement par rapport aux concurrents en présence ! Quelle déception de voir un niveau pareil à ce stade ! On se surprend à penser que ces mêmes joueurs ne tiendraient pas deux tables contre les Belges en ligne !
La main finale :
NOM / Bankroll / Mise / Cartes / Action / Résultat
Alex L.) 8050 / 2000 / T7 / Reste
2) 8900 / Maxbet (6000) / Black-Jack ⇒ 17 900 !
3) 8100 / 2000 / T3 / Tire un 2 / reste
Flavio C.) 8750 / 1000 / T9 / Reste
5) 9050 / 4500 / 76 / DD ⇒ BUST
6) OUT
Banque a 8, et fait 18
Scores finaux :
Oliver B. 17900 /
Flavio C. 9750 /
Ludwig S. 6100 /
Alex L. 6050 /
Thomas H. 50 /
Peter V. 0
Dommage qu’une main finale de finale de Coupe du monde s’achève ainsi sur un gros « coup de chatte », qui évince au passage LE seul vrai bon joueur de la table, lequel avait « pris le low » tout à fait à raison, mais qui repart tout de même avec plus de 41 000 €… Il y a quand même une justice ! Que la chance occupe une telle place en TBJ est un des aspects frustrants de ce sport, mais cela oblige en même temps à une certaine humilité… et à continuer de cultiver tous les moyens, toutes les techniques permettant de réduire la variance à la portion congrue, ce qui constitue l’objet même de ce blog !
Merci de m’avoir suivi jusqu’ici, n’hésitez pas à y aller de vos questions dans les commentaires, et peut-être à l’année prochaine à Innsbruck, car au-delà des questions de lucre, il s’agit quand même du plus beau tournoi du monde, d’une belle aventure, que tout joueur sérieux de tournois de Blackjack se doit d’avoir vécu au moins une fois !
Tournament vôtre,
KungFox
2 Commentaires. En écrire un nouveau
reportage excellent et précis…
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