Si vous avez déjà participé à quelques tournois de Blackjack (des vrais, pas des bullshit tourneys), vous aurez certainement remarqué qu’il n’y a pas 107 façons de les disputer, et qu’au-delà du foisonnement des mises, des styles personnels et des commentaires, il n’y a pas non plus 36 profils-types de joueurs.
Dans la notice de son logiciel « Tournament Blackjack », système expert tournant sous Windows (jusqu’à la version XP) paru en 1995 et devenu proprement introuvable, le célèbre Stanford Wong, véritable ‘parrain mathématique’ du black-jack aussi bien classique qu’en mode tournoi, fait la distinction entre 6 profils de joueurs :
1) Le Flat better : ce type de joueur mise pratiquement toujours la même chose, et ne se réveille (quand il se réveille) que lorsque la fin du tournoi (ou la sienne) approche. Il s’agit souvent de joueurs ayant des « mises fétiches » (et donc prévisibles, merci pour l’info) ou de gens misant le minimum, conscients de l’avantage structurel de la banque à ce jeu. Ce en quoi ils n’ont pas tort, mais cette espèce de « stratégie de base de mise » commence à être connue, et ces joueurs-là se voient bien désemparés lorsqu’un adversaire s’envole au score ou lorsque la banque paie toute la table plusieurs mains de suite.
2) Le « Martin galeux » : ce type de joueur double sa mise après chaque perte, et/ou calme le jeu après chaque main victorieuse. Montante, progression, Martingale, D’Alembert, qu’importe le nom qu’il donne à son système de mise, il reste très (pré)visible et à mon sens très peu efficace, à l’exception toutefois de la progression dite « de Wong », détaillée dans son ouvrage majeur « Casino Tournament Strategy » (éd. originale : 1992).
3) Le compteur : ce type de joueur compte les cartes sorties, ou certaines d’entre elles, et fait varier sa mise en fonction du compte (véritable (true count) ou courant (running count), selon le système de comptage que vous utilisez), comme les joueurs qui essayent d’avoir un « avantage » (edge) sur le casino en blackjack classique. Comme il manque de prendre en compte les autres joueurs et leurs mises à la table, sa rampe de mise (bet spread) lui fait presque systématiquement louper le coche et overbetter.
4) Mister « je joue mes bénéfices » : plus dangereux que les trois précédents, ce type de joueur use lui aussi d’une forme de martingale, sauf qu’une fois derrière un tapis bénéficiaire, il ne cherche plus en gros qu’à se placer dans les places qualifiées (ou payées s’il s’agit d’une table finale) en ne risquant plus que ses bénéfices, histoire de garder son stack initial intact pour la bataille finale. Là encore, l’idée d’être encore là, à portée de tir pour les dernières mains est loin d’être sotte, mais faute de l’avoir adapté à temps aux scores adverses, le stack conservé de ce joueur somme toute crypto-conservateur risque fort de paraître très insuffisant au moment du gunfight final.
5) Le Boomer : aussi appelé le chunker dans les années 1990 aux USA, ce type de joueur mise gros, très gros, voire le max d’emblée jusqu’à se constituer une avance quasi-irrattrapable (de l’ordre d’un ou deux maxbets), avant de repasser à des mises plus petites, traduction en actes de la phrase « catch me if you can, now ». Redoutables quand cela marche pour eux, ces joueurs, souvent issus du poker ou d’autres jeux de cartes d’argent, savent rarement s’arrêter en si bon chemin et se sortent bien souvent tout seuls comme des grands à mi-tournoi, ou alors ne savent pas bien défendre leur avance (lead), et finissent par se faire rendre coup pour coup par le reste des survivants de la table dans la dernière ligne droite. Face à ce type-là, mon maître mot et principal conseil est toujours : « patience, patience… ».
6) Le Toughie (prononcer « teuffie ») : le plus difficile à gérer et à battre des 6 profils-types. S. Wong va jusqu’à dire que battre une table entière de toughies dans le cadre de son logiciel d’entraînement et de simulation est le principal challenge de celui qui désire performer correctement en tournois live. Il s’agit d’un joueur à stratégies multiples, mélangées (mixed many), qui ne mise que ce qu’il faut quand il faut pour l’objectif qu’il s’est désigné, que ce soit en début, en milieu ou en fin de tournoi, quitte à alterner les mises les plus agressives avec les mises les plus bizarres en apparence, quitte, enfin, à naviguer sans relâche entre les extrêmes. Le profil anti-profils, en quelque sorte.
Pour ma part, il y aurait possibilité de rajouter plusieurs autres profils-types à cette liste, quoique plus anecdotiques, comme par exemple le type « Mémé bingo », qui note « une petite-une grosse (carte)-une grosse-une petite-banque perd-banque gagne-banque gagne-banque perd » avec toute la rigueur mathématique qu’implique cette approche plus intuitive que fondée du point de vue des probabilités. Mais aussi déléctable que soit pour moi la présence de ce genre d’ « adversaires » à ma table en tournoi de BJ, je ne dois pas pour autant baisser la garde : les meilleurs joueurs sont aussi ceux qui savent dissimuler le plus longtemps possible leur véritable style, ceux que je n’arrive pas à « classer » dans telle ou telle catégorie au moment où j’ai le plus besoin de cette information, notamment au moment du calcul des scores provisoires (et donc par déduction des scores finaux probables des joueurs qui parleront APRÈS moi aux dernières mains) avant les deux ou trois dernières mains. Ah, Shit ! ^^
Et vous, à quel profil-type de joueur de TBJ vous compareriez-vous le plus ? À vos commentaires !
Quant à celles et ceux qui veulent voir un toughie en action, ils n’ont qu’à venir jouer sur l’appli dédiée…^^
Tournament vôtre,
KF
3 Commentaires. En écrire un nouveau
Je me reconnais dans le Boomer alors que si je pouvais calmer mes montées d’adrénaline, j’irais vers le “Martin”. ^^
Je pense plus au Toughie. Maintenant c’est toi le plus expérimenté à classer un joueur.
[…] Si, au lieu de partir perdant et de jouer les rusés renards en prenant le low, j’avais pratiqué ce bon vieux « coverbetting » qui couvrait la quasi-totalité des possibilités de qualification même en cas de victoire de mon voisin turc au bouton, les deux Belges à la table se seraient quasi-sûrement qualifiés, car le leader était de type Timmy the Timid. […]