Ken Smith (que l’on ne présente plus) est content. Invité fin août dernier à participer au “Playing with Fire”, tournoi de Blackjack organisé par le Beau Rivage Casino à Biloxi dans le Mississippi et doté de pas moins de 100 000 $, il y a littéralement marché sur l’eau pour s’emparer des 40 000 $ qui attendaient le grand vainqueur.
Il faut dire qu’il a été passablement aidé par ses adversaires. N’empêche : ne pas commettre d’erreur et laisser les autres en commettre est l’une des principales sources de revenus en BJ de tournoi. Interrogé par les membres du forum blackjacktournaments.com sur le comment d’une telle victoire, Ken a répondu par un post long, mais très instructif :
« Il y a des jours où quand c’est votre tour de gagner, c’est votre tour de gagner. Voilà qui résume bien la situation que j’ai vécue hier. (…)
Pour info, les différentes phases se jouaient en 30 mains. Les tapis de départ étaient de 25 000 $. Minbet 500 $, maxbet 10 000 $, sauf à la main n°30, où le max passait à 20 000 $.
Les quarts de finale
Je vais commencer par les quarts de finale, où seul le premier de chaque table de 4 passait en demi-finale. Vers la fin du tour, cela ne se joue plus qu’entre moi et une autre joueuse. Mais c’est elle qui mène au score, et bien que je sois le dernier à parler à la dernière main, le retard que j’ai sur elle est plutôt déplaisant. À la main 29, j’avais placé une mise suffisamment grosse pour reprendre la tête du classement si j’étais payé. Mais non, je l’avais perdue, ma situation empirant dès lors encore davantage.
Mon tapis est alors de 17K$, contre 32K$ pour elle. Bien entendu, je me vois déjà faire tapis pour cette main, mais en plus, il me faut un swing pour la battre (= je dois gagner et elle doit perdre sa main). Enfin, c’est ce que je croyais jusqu’à ce que je voie sa mise. Je suppose qu’elle a cru que la situation était déjà verrouillée en sa faveur, car elle s’est contentée de miser le minimum, soit 500$. Je ne dis rien sur le coup, mais je laisse filer un soupir de soulagement en la voyant laisser une porte grande ouverte pour moi. Tout ce que j’ai à faire à présent, c’est de gagner simplement ma main.
Je reste avec 14 sans as contre un 6 à la banque et par bonheur, le croupier saute. Je vous laisse imaginer la tête de l’autre joueuse lorsqu’on eut fini de compter les tapis.
Ça, c’était le cadeau n°1 de la journée. Quelques jetons de plus de sa part, et j’aurais été dans un sacré pétrin.
Les demi-finales
C’est le plus difficile des tours à passer lors des tournois sur invitation qu’organise le Beau Rivage. Seul un sur six par table passe en finale.
Heureusement pour moi, le croupier de ma table a été assez impitoyable en début de tour, de sorte que vers la fin, cela se joue de nouveau entre moi et un autre joueur. Je suis au bouton pour la dernière main, mais j’ai une assez belle avance sur lui au début de la main 29. La mise placée par mon adversaire à la main 29 me permet de miser une somme telle que je reste au-dessus de lui, que la banque nous batte ou nous paye. Plus important encore, même si nous perdons tous les deux, il me resterait plus du double de son stack à l’entame de la dernière main. Et si c’est le cas, je suis d’office gagnant, sauf s’il touche un black-jack à la dernière main.
Eh bien, c’est pas du tout comme ça que ça s’est passé. Au lieu de ça, mon adversaire a gagné sa main et a vu sa grosse mise payée, tandis que moi, j’ai perdu ma grosse mise. Alors que j’avais une position très avantageuse sur lui, le voilà qui venait de retourner littéralement la donne, affichant presque le double de MON tapis. Mais la messe n’était pas dite pour autant.
En fait, la situation est presque la même que celle des quarts de finale décrite plus haut. Sauf que cette fois-ci, c’est encore pire, parce que je suis au bouton, et que mon adversaire va donc voir ce que je vais miser, et réagir en conséquence.
Et donc, après que j’ai fait tapis, il observe ma mise un long moment. Pour je ne sais quelle raison, le voilà qui mise le minimum : 500$. Waouw, qui l’eût cru ?! Exactement le même scénario que précédemment. Maintenant, il faut juste que je gagne ma main.
J’ai As,3 contre un Dix à la banque. Je tire, et reçois un 4 pour un total de 18 souple. J’ai beau maugréer brièvement, je sais déjà que rester n’est pas une option. Et faire égalité avec le croupier n’a aucun intérêt. Je tire donc encore une fois, et comme souvent, ça ne fait que rendre la main plus mauvaise encore. Je touche un 9, ce qui ramène ma main à 17. Aourf. Je reste, espérant que le croupier saute. C’était ma seule chance de rester en vie à ce stade du tournoi.
Le croupier découvre un 2, puis saute. (…) Comme en quarts de finale, le minbet de mon adversaire fut le cadeau n°2 de la journée.
La finale
La TF commence sous de bons auspices, le jet de dés d’attribution des places faisant que je parlerais en dernier à la dernière main si tout le monde devait rester en lice jusque là. C’est pour cela que je décide de la jouer conservateur durant en gros le premier tiers du tour. Malheureusement, les tapis adverses s’envolent littéralement.
À l’approche du décompte final, je vois enfin une occasion de miser gros tandis que les autres joueurs reprenaient leur souffle. On me paye une mise max de 10K$, et même si je suis toujours en queue de peloton, au moins suis-je revenu à portée de tir.
Malgré mes efforts, à l’entame de la dernière main, je suis toujours cinquième sur six. Mais au moins, je parle en dernier.
Une fois les mises effectuées, je suis surpris de voir que je suis toujours en mesure de l’emporter si la banque bat la table (first low). Le leader a misé 1 000 $ de plus que son avance sur moi. Je n’ai plus tellement le choix. Je mise le minimum, une sale mise, car devoir espérer que la banque batte tout le monde sans exception pour l’emporter n’est vraiment pas une situation enviable.
Mais bon, comme on dit, il faut faire ce qu’on peut avec ce qu’on a, et dans ce cas-ci, je suis first low et rien d’autre.
Alors évidemment, j’espère un black-jack à la banque. Mieux : un black-jack par la petite porte (backdoor black-jack), pour éviter que quelqu’un prenne l’assurance. Mais la banque fait encore mieux : elle se donne successivement un six et un cinq pour un total de 21 en 3 cartes, contre notamment un 19, un 20, et même un 21 pour le sixième joueur, le seul que je devançais encore au classement au début de cette dernière main !
Je saute de ma chaise, en criant « C’est pas vrai ! » Comme je l’avais déjà calculé, je finis donc premier avec 1 000 $ d’avance, malgré le scepticisme affiché par la plupart des autres joueurs, qui attendent sans doute encore le décompte final. »
(…)
Ken ne nia pas un instant qu’il avait eu énormément de chance, mais il affirma aussi qu’il était certain que s’il avait été à la place de ces trois chip leaders successifs, il aurait quand même remporté ce tournoi.
Et VOUS ? Combien ou comment auriez-vous misé si vous aviez été à la place de la dame en quarts de finale ? Et à la place du leader en demi-finale ? Et à la place du chip leader à la dernière main de la TF ?
À vos commentaires !
Tournament vôtre,
YVB aka KF
Post de forum traduit, adapté, et publié avec l’aimable autorisation de Kenneth R. Smith.
Photo : freestone on Foter.com / CC BY-NC-SA
9 Commentaires. En écrire un nouveau
Moi j’ai envie de dire, pourquoi on passe de l’article 20 au 22 (mais je suis un emmerdeur maniaque, donc faut pas faire attention).
Plus sérieusement, en quart, j’ai un doute. Mathématiquement je dirais 2K5 à la place de la dame. En cas de win, 34K5, même si le 17K tapis passe, cela ne fait que 34K. Mais en même temps, quid de si BlackJack ? Un tapis à 17K amène l’addition à 42.5K en cas de BJ. Donc elle aurait du miser 11K de telle sorte qu’en cas de BJ adverse, à supposer qu’elle gagne la main également, elle se retrouve à 43K et reste donc devant. Surtout que dans son cas, placer 11K la laisse toujours devant le joueur adverse en terme de bankroll avant distribution et que dans tous les scénarios, si il y a swing, elle est perdante.
Correct ou je me plante complètement?
Avant de faire le même exercice pour les demis et la finale, je vais lire vos feedbacks par rapport à mon raisonnement.
Hello Jérémie,
tu as beau être matinal, je vois que tu n’es pas endormi pour autant ! ^^
Doublement bien vu : le minbet de la dame en quarts ne réglait rien du tout pour elle (se croyant à tort “safe”), et je te suis entièrement dans ton raisonnement, correct de bout en bout. Quant à l’article 21, c’est comme l’album n°5 de Gaston Lagaffe… 😉
À bientôt pour les analyses des demi-finales et de la TF !
Rien a ajouter….sauf que dans mon cas , j’aurais eu tendance a ne pas trop penser au blackjack…
Question de tempérament… Pour ma part, ma devise en dernière main est “toujours prévoir le pire, surtout si ça ne coûte rien !” ^^
Salutations de Lille,
Suis d’accord mais ici vous n’avez qu’une situation incomplete….que se passe t’il si vous pourriez perdre une ou plusieurs place si ceux derriere vous peuvent vous dépasser….vous dites bien si ça ne coute rien….donc c’est a voir ce qui se passe avec ceux derriere vous SAUF si cela vous importe peut et vous voulez la premiere place.
Désolé, je me suis mal exprimé : “si ça ne coûte rien” voulait dire dans mon esprit “si ça ne coûte que quelques jetons de mise de plus et qu’une perte aurait de toute façon le même effet”, comme l’indiquait le premier commentateur.
En plus, je crois qu’il fallait finir premier de la table pour avancer, donc qu’importe le classement final (deux, trois places perdues), pourvu que je sois à la première place … 🙂
Le scénario de la demi finale est le même que pour le quart.
Si ce n’est que comme écrit dans l’article, il y a doublement faute de la part de l’adversaire puisqu’il était dernier de parole. Autant calculer dans un temps limité les éventualités si il reste 6/7 joueurs peut être délicat, autant en tête à tête, c’est incompréhensible.
Par contre, pour la finale, c’est vraiment un scénario improbable qui s’est joué en sa faveur, surtout avec les mains des adversaires. Il est difficile de dire ce que l’on aurait fait en tant que chip leader parce que cela dépend de la position à la table. Ceci dit, il faut saluer le sang froid nécessaire pour “jouer la défaite de la table”. J’aurais eu tendance à pousser le jeu au max bet + espérer la possibilité de le doubler/spliter (selon les jeux distribué et la différence avec les autres joueurs).
Pour la demi-finale, de fait, il faut croire qu’il n’y a pas que des lumières dans ces tournois “invitational” (par opposition à ouverts au grand public). Même si la pression ne doit pas être marginale pour quiconque a réussi à se hisser à ce stade d’un pareil tournoi sur deux ou trois journées.
Pour la finale, difficile en effet de dire ce qu’il aurait fallu positivement miser à la place du leader, mais il est facile de dire ce qu’il aurait fallu ne PAS faire, à savoir “overbetter” (miser plus que son avance sur ses poursuivants) de presque un demi-maxbet !
Pousser le max et espérer attaquer en fonction des mains reçues est, sinon, la manoeuvre typique de celui qui veut “take the first high”, chose sur laquelle il faut bien souvent faire une croix lorsqu’on n’est que 5ème sur 6 agressifs à une pareille table…
Je constate avec PLAYsir que tu es à la fois du matin, ET du soir ! ^^
À bientôt à Namur, et/ou à Spa !
Oui, mais à la place de Kenneth R. Smith, pourquoi ne pas avoir “max bet” pour, en cas de win de sa part et loose de certains autres grimper dans le classement (et donc augmenter le gain puisque table finale = places payées)? La probabilité qu’aucun des 5 joueurs mieux placés que lui à l’entame de la dernière main ne gagne était quand même relativement faible. Il y a quelque chose qui m’échappe?
Il a joué la victoire (et cela lui a réussi) sur base de la règle “tous les joueurs ont généralement le même résultat par rapport à la banque” et à postulé que la banque l’emporterait (ce qui certes est statistiquement plus fréquent que l’inverse). Mais c’était un véritable “quitte ou double” surtout qu’il n’avait inversement pas grand chose à perdre vu qu’il était avant dernier à ce moment de la partie.
Sinon, je ne suis pas le seul du matin/soir on dirait. 🙂
A bientôt les 16/17 !